« Clauger avait un challenge à relever avec certains fromages. Le client cherchait des solutions : lorsque ses employés rentraient les produits sur les claies, dans leurs hâloirs, la circulation d’air n’était pas optimisée. De ce fait, il fallait chaque jour trier manuellement tous les fromages en fonction de leur niveau d’affinage. J’ai participé avec Clauger à la création de la première chambre d’affinage. Nous avons amélioré les circulations d’air. A ce moment-là, nous avons réussi à obtenir une maturation des fromages à 100 %, sans tri nécessaire. Cela a très bien fonctionné ! On a réalisé une deuxième chambre d’affinage, puis une troisième, puis une quatrième… »
« Il y a 40 ans, c’était toujours fort de voir arriver M. Minssieux avec sa R30. S’il tenait à avoir une voiture française, il lui fallait aussi une voiture d’une certaine cylindrée qui inspirait confiance. Il fallait le voir mettre le bleu pour nous aider sur des chantiers ! Nous partagions nos casse-croûtes avec tous les patrons, les architectes… »
« Pour mon premier gros chantier, en 1973, du côté d’ Annecy Sainte-Catherine, je me souviens du rendez-vous au siège. Clauger était dans la « short-list » des fournisseurs possibles. En face de moi, j’avais les fournisseurs historiques de cette entreprise. J’avais donné mes dernières conditions. Je quitte le client. Avant de partir, je me souviens d’être allé voir le chantier qui avait commencé sans casques ni chaussures de sécurité. Je me rappelle avoir été impressionné par la hauteur des murs, le dimensionnement des pièces et m’être dit : « Écoute Paul, avec cette affaire-là, ça va passer ou ça va casser ! » C’est passé. J’ai en moi cette image de l’avant-chantier, un grand terrain vierge devenu ensuite une immense usine qui stocke pas moins de 40 000 meules d’emmenthal de 70 kg chacune. »
« On était en week-end en Ardèche avec les copains. On revenait. Paul, lui s’est arrêté chez un client sur la route du retour. Il était avec une 504. Une voiture qu’il a eue très longtemps. Il s’est arrêté pour aller dépanner un client. Pendant ce temps-là, sa femme, Monique, dormait dans la voiture. »
« Notre première réalisation d’une cave d’affinage de cantal fut une vraie réussite. Le client nous avait confié que ses fromages étaient mieux affinés que dans ses caves traditionnelles, donc bien mieux valorisés : leur aspect lui rappelait les fromages qui sortaient des burons ancestraux. Bien entendu, il nous confia la réalisation de ses extensions. Pourtant, après des mois de prospection sur le marché des caves à cantal, nous étions étonnés de ne pas pouvoir en vendre à sa concurrence malgré cette belle référence. Avec Claude, nous nous interrogions et grâce à notre connaissance du terroir local nous avons déjoué la ruse de notre client préféré qui ne voulait surtout pas que ses collègues s’équipent avec notre matériel, en invoquant des prétextes infondés, comme la consommation énergétique. Ce fut facile pour nous, connaissant la mentalité de nos prospects, de les convaincre et de réussir notre implantation sur ce beau territoire ! »
« Dans notre relation avec Clauger, une installation de cave d’affinage m’a marqué. La société Clauger s’était engagée à réduire la perte de poids du fromage de 50% durant l’affinage. Notre société, qui avait réalisé le reste de l’installation, fut bien payée à la mise en service. Clauger comme convenu a dû attendre six mois pour que le client atteste du bien-fondé de ses dires. Une fois de plus, l’audace et les compétences ont prévalu face aux difficultés des problèmes et à la grosse différence de prix par rapport à une installation classique. »
« Quand j’ai connu Paul Minssieux, il roulait avec une 504. Il faisait beaucoup de kilomètres. Je me souviens qu’il avait été percuté par un véhicule doublant un camion venant en sens inverse. De mémoire, c’était en 1974 : il montait chez Entremont à Annecy. Ce n’était pas trop grave pour lui, mais sa voiture était foutue ! »
« À l’origine, le métier de Clauger est la production de froid industriel. Paul Minssieux était un frigoriste. Il a pu démarrer grâce à son expertise dans le froid industriel. Très vite, il s’est posé la question : comment être le meilleur frigoriste industriel ? Il s’est demandé s’il valait mieux être le meilleur frigoriste au niveau régional ou être reconnu comme spécialiste sur un domaine plus pointu sur un plus grand territoire. C’est là qu’il a rencontré les deux fondateurs de Clauger, Claude et Gérard, associés à Boulogne dans une société qui s’appelait ERIF, fabricant et installateur de composants frigorifiques. Gérard était un inventeur fou ! Il avait mis au point des conditionneurs d’air très perfectionnés, uniques sur le marché. Paul a eu la vision d’en faire une spécificité pour Clauger en rattachant ce conditionneur d’air au froid industriel. La première spécialisation de Clauger s’est faite sur les conditionneurs d’air. C’était un sacré avantage concurrentiel de pouvoir aller chez un client et de pouvoir lui proposer le package « froid et conditionnement d’air ». Le métier de base de Clauger est bien le froid industriel. Le traitement d’air a fait sa spécificité en matière de froid. La standardisation des gros acteurs du marché a fait qu’il est resté une niche possible sur des installations spécifiques, sur mesure, comme Clauger a toujours su en faire. »
« Paul a eu rapidement à surmonter des problèmes de trésorerie, avec des rentrées d’argent irrégulières. Il a vraiment dû ramer au départ. Mais une de ses qualités est de ne jamais rien dramatiser ; avec lui, tout peut s’arranger ! Comme c’est un homme de réflexion, il arrive à toujours garder le recul nécessaire pour trouver une solution face à un problème complexe. Même quand il a eu des impayés, il arrivait à rester serein et dire calmement à son banquier : « Comment est-ce possible ? On va bien résoudre ce problème ! » Dans les moments durs, son côté posé, réfléchi, est un sacré atout. Il arrive à mettre les choses bien à leur place et pas à côté. »
« Je me souviens d’un chantier, dans une station fruitière. Monsieur Minssieux avait fait confiance à un chargé d’affaires, en le laissant approvisionner le matériel. Mal lui en a pris : rien ne correspondait aux tuyauteries ! Ce n’était ni les bons diamètres, ni les bonnes vannes d’entrée. Il fallait réapprovisionner en urgence. Ce chantier exceptionnel a commencé fin août. Les premières pommes sont rentrées le 12 septembre dans les chambres froides. Nous avons tiré 500 mètres de tuyaux dont une grande partie à 9 mètres de haut. Je me souviens qu’il fallait finir très vite : le bitume était coulé au sol pendant que des gens démontaient l’échafaudage sur lequel je terminais les dernières soudures. Nous mettions en eau glacée direct ! Heureusement, nos soudures étaient bonnes. »